18/03/2014 00:33

Langue française, mon amour!

Je suis un peu timbré, mais je l'aime. Depuis mon premier respire, elle m'accompagne. Peu à peu, elle a envahi mon âme. Chaque lettre, et puis chaque syllabe, et puis chaque mot s'est enraciné en moi. Les liaisons et le participe passé, la phonétique et le complément d'objet direct, toute la complexité sensuelle de cette dame s'est dévoilée à mon cœur. Encore aujourd'hui, elle me rend plus beau et elle me rend plus vivant. La langue française me fait atteindre des limites que je ne me permettrai jamais.

Par elle, je décore les pages blanches de mon imagination et je fais naître une nouvelle histoire. D'aventure en aventure, j'ambiance ma pensée avant de l'étaler de tout son long. Je peux m'envoler grâce à cette Française, et m'échapper au gré des mots. Je m'enveloppe de ses charmes et me laisse envahir par elle pour flotter au-dessus de mes maux. Je l'aime à en perdre la tête, en m'enlivrer jusqu'à la dernière page, jusqu'au point final. Je dessine ses formes minuscules et majestueuses, en attaché ou traits carrés. Comme l'a dit un jour Duteuil, elle est belle quelque soient ses habits. Elle est douce comme celle qui me sourit près de l'étang. Elle est élégante et harmonieuse. Qu'elle soit chantée ou récitée, qu'elle soit lue ou entendue, ma langue sera pour
toujours ma mère francophone. L'envoutante mélodie de cet idiome capte l'esprit de mon être comme la dévorante dionée cachée à l'orée du possible et du fantastique. Ses mots me charment et sa finesse me trouble au point de désirer l'apprivoiser davantage. Comme nombreux serviteurs, la langue française m'a attiré vers elle. Elle est devenue depuis mon Nord magnétique, ma référence et ma maison.

Cette Jeanne D'Arc est résistance et identité. Par amour, plusieurs de ses autres amants l'ont protégée en sortant l'épée et en hurlant dans un grand charivari pour qu'elle puisse être à jamais glorifiée. Elle est de toutes les batailles et elle enrichit tous les grands discours d'amour. Par son rayonnement et sa poésie, un peuple est devenu un grand peuple. Tel le vent qui file en zigzag entre les branches, cette captivante Française se faufile à travers ma fierté pour être mon dénominateur commun et mon réconfort. Elle forge mes valeurs et elle gonfle ma richesse. Elle est la clé qui ouvre la prison de mon ignorance. Vivre en français, c'est vivre ma liberté sans complexe de ce que je suis et de ce que je deviendrai. Mon avenir en français, c'est la survie de ma mémoire historique et ma créativité lexicale.

À l'occasion, je trébuche et j'abîme sans réfléchir le corps de cette déesse souvent capricieuse de ses exceptions et de ses règles. Je me relève et je cherche les mots justes pour honorer et respecter celle par laquelle j'existe et me fais entendre. Tout francophone que je suis, je fais partie d'une grande communauté
rassemblée autour de la même table, le désir de vivre en français.

La francophonie, espace de notre mère linguistique, traverse l'univers de notre pluralité. Notre lien communicatif fait voyager notre épopée, nos chansons et nos contes. Notre union orale nous fait découvrir ses différences et ses formes. Devant sa diversité, je suis comme l'hurluberlu planté au milieu de la forêt, regardant tout autour pour ne rien manquer du spectacle naturel. Je m'abreuve de ses racines étrangères pour mieux découvrir et reconnaître les miennes. Je bois ses mots à tire-larigot et imagine un fidèle tirer la Rigaud afin de faire résonner
à travers les frontières la musique de notre belle française. Que ce soit sur Bourbon Street, dans un café de Paris, en classe à Dakar ou sur une plage de Shediac, elle transcende l'espace et devient universelle. Les nations sont unies par son usage, sinon réconciliées. J'ai découvert Le Petit Prince et Les Misérables,
histoires d'ailleurs, histoires de vie. J'ai vu Zona et Pellerin, histoires d'ici, histoires de vie. Tremblay nous a montré les entrailles de Montréal et, Leclerc, la simplicité du Québec. Chefs d'œuvre bien de chez nous, avec des mots bien de chez nous.

Ma langue n'est pas que des histoires, c'est aussi la neige telle qu'imaginée par un fou brillant à travers la vitre de sa démence. Elle est l'hiver chantée par Vigneault ou la tristesse d'un phoque esseulé en Alaska. En aucun temps, elle ne se vexe lorsque, pour un temps, je deviens Shakespeare ou de Cervantès. Je m'égare et erre sans l'oublier, ma loyauté chevaleresque me ramenant toujours à Molière. De poésie à récit, de nouvelle en roman, l'art français de l'univers se fait riche de tant de lettres de noblesse. Écrits historiques ou poèmes
romantiques, mon dialecte précieux est un musée sans frontières autre que l'infini. Aucun désordre ni tohu-bohu peut dissoudre ma volonté de créer en français. Je peux alors divaguer et exprimer ma passion d'émouvoir d'autres passionnés francophiles. Vivre le fait français se veut une communion de mon présent, une respiration hors de l'eau avant de retourner à la chasse aux trésors.

Il est chose ardue d'élucider ce qui est inexplicable. Depuis quelques centaines de mots, je fais foi de ce que je vois lorsque je me ferme les yeux et écoute mon cœur. Malgré mon discours, nulle expression ne sera à la hauteur de ma vie en français. Voyez comme je suis charmé de tant de liberté de penser et de liberté de parler. Entendez ma tirade et mes soupirs, car ce n'est qu'en français que je veux exister. À jamais, je lui serai fidèle. À jamais, je l'aimerai.

Ouf! Je l'ai fait. J'ai dévoilé l'entièreté des sentiments que j'éprouve pour cette royale Française. Mes propos ne sont pas balivernes ou fariboles, ils ne sont que mon ressenti. À notre belle langue française, je lui promets mon cœur jusqu'au dernier moment, jusqu'au dernier repos. Mon adoration est maintenant un secret de Polichinelle. Pourtant, je n'ai point de bosse et je ne suis pourvu d'aucun fil mais, devant vous, sur cette scène blanche, je joue tous les actes linguistiques avant que le rideau ne tombe à la fin du spectacle.

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