Lettre à Nour Farhat
J'ai lu le témoignage que vous avez offert au Journal des alternatives. Je crois que vous êtes une femme à découvrir. Vos propos sont sensés et exempts d'agressivité et de haine. C'est tout à votre honneur.
Vous le savez, il n'y a que l'ignorance et la peur de l'autre qui s'infiltre dans le débat. Malheureusement, la franche discussion n'y est pas. Pourtant, vous (l'emploi du mot vous ne sert que mon propos) auriez tant à gagner à nous connaître et nous aurions tant à gagner à vous connaître.
Je trouve rafraîchissant de voir une jeune femme vouloir se réapproprier son identité.
Deux de mes arrières grands-parents sont arrivés au Québec en 1902 de Provvidenti, Italie. Ils ont eu 3 enfants, dont mon grand-père, Vincenzo. Il s'est marié avec Laurette Tremblay et ainsi de suite. Je suis né en 1964. Nous étions encore à l'ère des écoles confessionnelles et donc le catholicisme était omniprésent : enseignement religieux, Première communion, Confirmation, quelques dimanches obligatoires à l'église et puis, changement! Il n'était plus convenu d'enseigner la religion catholique alors que l'état se ''neutralisait'' et que la diversité culturelle augmentait. C'était tout à fait normal. Plus tard, j'ai eu un garçon et ont commencé certaines discussion quant à la présence d'arbre de Noël ou de la mention même de Noël. Il était plus convenu à la garderie de parler du temps des fêtes. Les chocolats de Pâque ont résisté plus longtemps, mais dans
certains endroits, cette fête a disparu en raison de la même diversité culturelle. Pourquoi pas! Certains me disaient que la religion était une affaire personnelle et j'étais d'accord. J'ai travaillé au centre-ville plusieurs années. Au minimum une fois par mois, sinon plus, je devais parler anglais pour me faire servir. Je n'en faisais pas de cas au début. Et c'était plus compliqué quand j'insistais un peu. Je me disais : pile sur ton orgueil et parle en anglais.
Je demeure maintenant en banlieue. Je vais à Montréal qu'à certaines occasions, je ne m'y sens plus à ma place, alors je la laisse parce que c'est actuellement la seule façon pour qu'il n'y ait pas de chicane. Laisser ma place.
Je suis heureux de savoir que vous êtes une femme qui se tient debout et veut se réapproprier son identité. Cependant, ayez à l'esprit qu'indirectement certains pros-charte font exactement la même chose que vous : se lever pour se réapproprier leur identité, identité qui a tant perdu depuis 25 ans.
Des deux côtés il y a eu débordement. Personne n'est plus à blâmer que l'autre. Dans tout ça, je suis convaincu que nous avons peur de la même chose : peur de l'intégrisme religieux. Bâtissons là-dessus!
Respectueusement,
Gilles Fontaine.
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