Maudit 6 décembre...
6 décembre 1989. Je suis en examen au pavillon Jean-Brillant de l'université de Montréal. C'est ma dernière année du Bacc. Comme nos examens comptaient pour 100% de la note de l'année, les examens nous propulsaient vers de l'anxiété extrème. Pour toutes les périodes d'examen, nous ne faisions qu'étudier, souvent, tout le temps, le jour, le soir et la nuit. On ne voit plus nos amis ou notre famille. C'est la course folle. Or, cette fameuse journée était ma dernière avant les vacances des fêtes.
16h30. Enfin terminé, enfin en vacances. Vacances théoriques car je devais quand même travaillé. Pendant mon Bacc, je travaillais entre 25 et 35 heures semaines. Or, heureux d'être en congé, je suis allé au travail.
18h30. Je reçois un appel de mon père. Mon père!
-Salut mon gars, il ne t'ai rien arrivé?
-Qu'est-ce que tu veux qu'il m'arrive?
Et mon père me dit tout. Un gars venait de tirer et tuer à la Polytechnique de Montréal, ''en haut de la côte''. Il a tué des femmes parce qu'elles étaient des...femmes!
Commotion totale. 1989, au Québec, IMPOSSIBLE que ça puisse arriver. Ce fût la discussion pendant un an. On tentait d'expliquer pourquoi et comment. On s'est rendu compte, à la faculté, que cette tuerie ne peut être ni expliquée ni comprise. J'étudiais en droit. Dans la faculté de droit, il y avait près de 50% des étudiants qui étaient des femmes. S'il avait fallu qu'il se trompe de chemin et qu'il finisse dans notre faculté. En réalité, il s'est quand trompé de chemin et il a tué.
Nous avons reçu notre diplôme en 1990. Lors du discours de la doyenne, Madame Hélène Dumont, nous avons été bombardé par les mots ''la tuerie''. Elle l'a dit au moins 30 fois dans un discours qui a duré peut-être 30 minutes.
Je peux vous dire que cette année là fût difficile. Elle fût difficile car il devenait presque gênant d'être un homme. J'ai entendu, lors d'une soirée commémorative, une femme, étudiante à la Poly, dire que les gars ne devraient pas avoir droit de parole lors des adresses aux publics présents!!!
En 1989, nous avions toute la vie devant nous. Pour ces filles-là, 1989 a annoncé la mort. Une mort terrible, une mort inutile.
24 ans après, qu'avons-nous appris? Il m'est difficile d'y répondre. L'égalité homme-femme m'apparaît tellement évidente que je conçois mal qu'encore aujourd'hui, nous nous questionnons encore sur le sujet. Je ne veux pas faire de lien malsain, mais nous avons marché dans la rue pour ce principe...en 2013. Personnellement, ça me rend triste car ça ne me donne pas l'impression qu'on avance.
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